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Qui voudra payer les pots cassés d’une rédaction ambigüe ?

Encore une loi (loi Macron) qui ouvre par sa rédaction des doutes sur sa facilité de mise en œuvre.

Article 246 alinéa II §1

 »…les établissements doivent être couverts soit par un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement, soit par un accord conclu à un niveau territorial… »

Cette rédaction s’oppose aux avancées faites lors des lois Tepa. La notion de hiérarchie des accords disparait au profit d’une notion de ‘couverture’. Réapparait avec cette absence de hiérarchie, la primauté accordée à l’accord le plus favorable aux salariés (principe de faveur). Tant que la cassation n’aura pas interprété cette notion nouvelle de ‘couverture’, il suffit qu’un accord de branche ou de groupe soit signé de façon plus dispendieuse quant aux conditions accordées, pour que l’accord d’établissement se trouve en difficulté. L’article L2253-3 dans son deuxième paragraphe, s’il ouvre à la possibilité de déroger par des conventions d’établissement à des conventions plus larges, ne déroge pas au principe de faveur. A l’opposé la jurisprudence (13/12/2014) a déjà statué sur la hiérarchie des accords telle qu’employée dans les lois dites Tepa (loi du 28/08/2008). Dans une rédaction Tepa, on aurait écrit ‘‘ par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche’’ et l’ambiguïté aurait été levée.

Le cas de la fermeture Sephora perdurera dans cette conjoncture ‘Macron’, tant que l’expression ‘doivent être couverts soit par… soit par..’ n’a pas trouvé de consistance juridique. Si les salariés de l’établissement des Champs sont favorables à un accord d’assouplissement, les syndicats du secteur y sont hostiles et mettront tôt ou tard dans un accord de groupe des conditions économiquement inadéquates. L’accord de ‘couverture’ interprété par la Cour de Cassation Sociale comme le plus favorable au salarié, sera celui appliqué.

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Article 246 alinéa II §3

L’accord… prévoit également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés du repos dominical.

Quelles sont les mesures qui seront jugées comme ‘’facilitant’’ ? La Chambre Sociale de la Cour de cassation s’est longuement étendue sur les compensations et leur estimation voire les contreparties rapportées en droit social (Soc., 5 mai 2010, pourvoi n° 08-43.652, Bull. 2010, V, n°104 et Soc., 14 novembre 2012, pourvoi n° 11-18.571, Bull. 2012, V, n° 295).

Surtout que la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle est instituée par les règlements Européens et rappelée par une Note des publications de la Cour de Cassation sur l’arrêt du 7 mars 2012 plus exactement dédié à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Les possibilités d’ajuster ses présences, et d’échanger des jours ou heures planifiés lorsque l’entreprise ne peut justifier que cet échange porte préjudice à son activité font partie des compensations éventuelles. La résolution législative Européenne (2010/C 45 E/47) portant sur ces aménagements est en attente de publication ; en particulier si ces échanges sont demandés pour répondre à des évènements familiaux imprévisibles lors de l’établissement des cycles ou des plannings à une semaine. Cette politique de souplesse si elle est indispensable, ne suffit néanmoins pas.

Le juge peut statuer sur la nature de la contrepartie, qui selon la Cour doit porter sur une compensation de même nature que le préjudice : financière, souplesse, disponibilité. Ce sont les trois thèmes de mesures de compensation qui devront être abordés, pour éviter l’opposabilité de l’accord. Pas simple.

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Philippe Gosselin

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